Notre quotidien est bouleversé par la peur liée au risque du Corona Virus et par les mesures de confinement qui s'appliquent (à ce jour) à la moitié de la population mondiale. Est-ce globalement notre façon de voir le monde qui est en train de changer ?
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la spirale dynamique, je n'imaginais pas celà possible mais je me demande si nous ne sommes pas en train de vivre une transition globale, massive, telle que l'avait imaginée Clare Graves ?
Covid, interrogations sociétales et révélateurs : je vous propose de les voir au travers de la grille de lecture qu'est la spirale dynamique mais cette fois dans sa composante dynamique justement, celle de l'analyse des changements, des pré-requis et des mouvements.
Je vous renvoie à cet article d'introduction à la spirale dynamique (https://www.allagi.fr/blog/introduction-a-la-spirale-dynamique) pour mieux comprendre la source des différentes visions du monde.
Vert émerge d'Orange.
Nous vivons dans une société de consommation, par nature, par définition, de façon naïvement étymologique, on pourrait se dire que notre monde est globalement centré Orange (sinon nous parlerions de société de solidarité (Verte), de société religieuse (Bleue).
Pour nous aider à passer cette crise, le premier argument posé par notre Président lors de l'allocution télévisée qui a abouti sur le "confinement" (même si il a fallu une précision du premier ministre et l'emploi du terme) était de "faire confiance à la science".
Si ce n'est pas de l'argumentaire Orange ! (J'ai d'ailleurs été surpris de l'acceptation de toutes les églises ...alors que quelques années auparavant le port du préservatif, premier geste barrière à la diffusion du SIDA avait été largement rejeté...).
Cependant notre société n'est pas pleinement Orange (d'ailleurs tout individu ou société n'incarne pas un seul et unique code, et profite, navigue dans les différentes visions du monde) mais est tout de même bien installé dans ce code.
Alors nous dirigeons nous vers une généralisation "verte" : plus sociale, plus bienveillante, plus communautaire, respectueuse de l'environnement etc ... ?
Une schéma de transition
Il n’y a pas de hiérarchie entre les niveaux d’existences (codes, visions du monde etc ...) décrits par le professeur Graves, cependant changer de niveau d’existence se fait par « l’abandon » des comportements liés aux valeurs du niveau précédent qui devient une partie de la nouvelle base qui se construit : c’est alors une transition verticale. Ce type de transition suivent 5 états et ont 6 conditions préalables nécessaires. Je vous propose de regarder cette partie du schéma.
Questions préalables.
Je n'ai nullement la prétention de pouvoir répondre aux questions soulevées par les prérequis nécessaire pour entamer une transition verticale, je souhaite seulement débuter une liste de ce que pourraient être quelques questions qu'ils soulèvent et vous laisse le loisir d'y répondre vous même, tout en y ajoutant les vôtres.
- Le potentiel de changement sont conscients et présents : y a t il dans nos sociétés de véritables envies de changement, d'abandons des repères d'avant la crise. Est-ce que le désir d'une autre société existe. En bref, est-ce que la crise rend notre vision du monde "ouverte", c'est à dire que le changement est nécessaire, voire inéluctable ?
- Les solutions de remplacement du système existent-elles : quelle est l'économie de demain ? Comment produit-on de façon moins mondialisée et ne plus être totalement dépendant d'une source uniquement de production ? Quels sont les métiers de demain, ceux qui ont été les premiers a être durement touchés (je pense au secteur de l'événementiel et du voyage par exemple) sont-ils prêts a se transformer ?
- La dissonance à propos du futur est suffisante : Est il clair que le changement est nécessaire, que la perception d'un futur identique au présent est viable ? Notre façon de vivre actuelle est elle perenne ? Percevons nous, de façon globale, un réèl problème à continuer sur la voix de l'argent tout puissant ?
- Les freins sont repérés : le système financier (les marchés, les banques centrales) est-il réellement prêt à se transformé, a laisser ? L'envie de consommer pour amasser des valeurs, valoriser son identité autour de ses possessions va elle perdurer ?
- Les insights vont impulser suffisamment : toute la question du coron virus se résume dans son impact en tant que moteur de changement, qu'étincelle suffisante pour impulser le changement. Est-ce que la diminution globale de la pollution (en chine notamment) qui redonne une meilleure qualité de vie, va-t-elle donné envie de continuer à chercher à la réduire
- La consolidation et le support : Sommes nous sûrs que nous devons changer finalement ? Et si oui comment "résister" à ceux qui résisteront aux changements, comment les accompagner pour ne pas les laisser au bord de la route ? Est-ce qu'au contraire, cette nécessité ne va t elle pas entrainer de nouveaux clivages envers ceux qui n'étaient déja pas complètement "intégrés" (cf lecture personnelle de la crise des gilets jaunes plus bas)
Les états du changement
Les 5 états du changement proposés par la spirale dynamique se décomposent en cette "courbe". Je vous propose à nouveau quelques questionnements autour de ce concept.
- L’état Alpha, c’est l’état stable pour lequel le niveau d’existence actuel est perçu comme optimal, les comportements liés aux valeurs répondent à la problématique du moment, il n’est pas nécessaire de les remettre en cause. Jusqu'ici pour notre société, dans sa majorité, la consommation n'est pas remise en cause, sinon les centres commerciaux, les drives, les super marchés ne seraient pas pris d'assaut part les caddy chaque fin de semaine. Sinon les voitures et les motos ne seraient plus vues comme des synonymes de liberté indéboulonnables, sinon l'ascension sociale ne se feraient pas par la fiche de paie (son montant et son libellé de poste), et ne fleuriraient pas autant de "chefs de .." (projets, production, direction, truc, machin ...) et l'évolution professionnelle obligée passerait par une autre voie que celle managériale. (Bien sûr d'autres systèmes existent, j'illustre uniquement ce que je perçois être la majorité)
- Le point Beta est le moment de la prise de conscience que les solutions apportées aux problèmes ne correspondent plus, le seuil critique d’acceptabilité est dépassé. Les comportements adaptés jusqu’alors deviennent la source d’un problème présent. C'est pour moi ce que nous sommes en train de vivre. La crise du coronavirus montre les difficultés engendrées par le "neoliberalisme" : les difficultés d'approvisionnement de tout type de produit et notamment ceux de premières nécessités que sont les outils de protections des professionnels de santé (masques par exemples)
- Le creux Gamma : puisque les solutions du niveau suivant ne sont pas encore disponibles (pas perçues, pas encore inventées) les comportements du niveau précédent sont utilisés car ils répondent au besoin de recentrage sur l’individu ou le collectif du niveau qui suivra (les quêtes individuelles puis collectives se succèdent). Le code Orange est un code individuel, le passage-retour en code Bleu implique un centrage collectif et la recherche de l'état providence : c'est à l'état que l'on remet collectivement les clés pour résoudre absolument tous les impacts, depuis le maintien des salaires, voire des primes, en passant par le contrôle des déplacements quotidiens de la population, et l'approvisionnement des produits nécessaires aux soignants etc, etc .... Le suivi absolu de la règle de confinement est une magnifique illustration de la puissance de Bleue : pour le bien être commun, le sacrifice de soi par le fait de rester chez soi devient une absolue nécessité. Fleurissent sur les réseaux sociaux les #hastags qui renvoient à la fierté de suivre la règle et des jugements de valeur posés sur ceux qui ne s'y astreignent pas.
- Le saut Delta note la prise de conscience, le niveau attendu est soudain révélé. Ce saut est marqué d’optimisme, d’enthousiasme et de soif d’apprendre. Prenons l'exemple de la "Responsabilité Sociétale des Entreprises" (toute orange-VERTE dès lors qu'elle est vraiment incarnée...laissons de coté le "greenwashing") Pour Michel Fredeau du Boston Consulting Group dans une interview donnée à la radio BFM Business et entendue le 4 avril 2020), cet expert de cette RSE :
- Elle serait désormais sortie de son effet de mode pour devenir une vague qui implique désormais, non plus une "task force" dans les entreprises mais une préoccupation des directions générales des entreprises.
- Elle sort de l'affichage pour devenir un outil de pilotage opérationnelle. Elle est devenu un outil concurrentielle et oblige à la transparence.
- Elle embarque non plus les entreprises par elles mêmes, mais l'ensemble de la chaine de valeurs (les fournisseurs, les clients).
- Elle implique une révision des processus internes des entreprises et les pousse à rêver à de nouveaux produits, à de nouveaux services et de nouvelles manières de les vendre.
- La rupture RSE dans les entreprises est au moins aussi impactante que celle initiée par la digitalisation.
Pourraient être évoquées les prises de consciences plus massives de l'importance du bio, du local, des cycles de distributions courts etc ...
- Nouvel état Alpha est la nouvelle stabilité dans une nouvelle vision du monde, un nouveau système de valeur, un nouveau niveau d’existence qui répond aux problèmes générés précédemment. Si l'insight est suffisamment puissant, alors il est possible que nous soyons qu'aux prémices d'un monde globalement différent, plus "locavore", plus "frugal". Je vous laisse l'imaginer ... Vert, plus solidaire. En effet, la conscience collective et les initiatives d'appels à la solidarité, et, toujours sur les réseaux sociaux, les promesses, le grandiloquentes vocations écologiques de réductions des déchets, des business qui se veulent différents en étant plus responsables. A mon avis il est bien trop tôt pour savoir si finalement la courbe est en train de tirer vers sur nouvel état alpha ou si comme en 2008, le couple homéostasie/résilience nous fera rester un peu plus longtemps du coté Orange...
Cette "proposition de modèle de transition" n’est pas une vérité absolue, des allers retours entre différentes étapes sont possibles et, encore une fois, il est aussi soumis à la présence des conditions
Petite digression ...
Pour illustrer l'image d'une lecture de transition d'une partie de la population au travers de la spirale dynamique, je me permets une analyse toute personnelle du mouvement des gilets jaunes de l'année passée en France.
Pour moi, il s'agit d'un pan complet de la société qui aspirait à un monde plus orange mais dont le matériel n'était pas suffisant pour s'y installer. En clair : cela fait 40 ans que se construit un modèle social décentralisé des villes ou périrural, d'accès à la propriété, de la sacro-sainte bagnole et du règne d'un status social. Toutes des populations qui on a dit, "arrêtez, votre vision du monde est nulle", bref "passez au vert alors qu'on ne vous a pas laisser profiter d'un Orange imposé"
Pour accède au code suivant, la spirale suggère qu'un passage au code précédent se fasse. Donc pour forcer l'arrivée en orange on pose un pied dans le rouge (violence, force, combat) pour mieux s'installer dans le code Orange.
Toutes les réponses bleues de l'état ont été vaines : communication de jugements de valeur (c'est mal !!) associés tentative de diviser la société en deux (les pour contre les contre l'autre), rappels de la loi etc...
Je pense que le dénouement du confit a résidé dans une tactique et un discours tout dans l'Orange : vous êtes maitre de votre destinée donc venez prendre part a des débats tels qu'on les pratique dans les entreprises, par des brainstormings, dans lesquels votre voix comptera. Vous être responsables, donc prouvez le.
A partir du moment ou les initiatives du "grand débat" ont été lancée, le mouvement s'est arrêté (je ne parle pas des quelques irréductibles pour lesquels continuer est une question d'identité propre et d’intérêt personnel ... rouge fermé !).
Je ne suis pas sûr pour autant que le problème de fond est résolu et la nouvelle crise du corona va soit accentuer le phénomène soit l’apaiser si les solutions couvrent le "orange" toujours "pleinement" attendu par une part importante de la société.
Soyons prudent : le seul Vert ne répondra pas à l'attente orange non assouvie. Vert se conduisant comme un terminator des précédents codes, il y a un risque d'encore plus de problèmes sociaux....