Une déconnexion des réseaux ?
J'ai assisté à la plénière de l'Union des Entreprises 35 (réseau d'entrepreneurs auquel j'adhère avec plaisir tant il est rempli d'individus inspirants et que les moments de rencontres apportent toujours leur lot de belles surprises et d'échanges)
On y parle d'entreprise inclusive avec ardeur, passion et sincérité, on discute responsabilité sociale, on met en avant des valeurs, on s'interroge sur les moyens d'attirer les "millenials", ces très convoités futurs talents mais ...
...quand l'évocation du seul nom de Greta Thunberg fait réagir par un mugissement profond quelques uns des 600 dirigeants d'entreprises présents, quand une intervenante parle en centaines de milliards d'euros, quand les questions d'écologie font résonner des problématiques de concurrence, quand les associations de défense sont vues comme des freins au business : on peut légitimement se demander si ce cadre là peut accueillir ces millenials ?
Ne risquent ils pas de se sentir considérer comme des "ressources-solutions incontournables" pour accéder aux marchés de demain : qu'ils sont en train de construire. Car l'enjeu est là : rester proche de la génération qui arrive pour faire perdurer les entreprises, celle qui sera sur le marché du travail dès demain. La véritable différence entre le monde des "digital natives" et la précédente est qu'elle se construit son propre monde en parallèle sans chercher à imiter celui de leur parents (qui n'avaient pas internet et qui essayaient juste de "faire mieux")
Cette population n'adhère pas à des valeurs de surface, celles que l'on agite haut et fort comme un étendard mais à des valeurs profondes incarnées dans les actes, au delà des paroles.
Rapidement, les racines du discours ressortent quand dans une même phrase formulée à la tribune sont apparus en même temps : le progrès, le droit à l'erreur et la rationalité, la démocratie. Je ne suis pas sûr que ce lexique fasse écho au bien-être, à l'harmonie, aux principes de communautés et de consensus.
Question 1 : Est-il possible de faire venir la nouvelle génération sans changer le mode de fonctionnement ni la raison profonde.
J'ai ensuite participé à une conférence débat qui à eu lieu lors du salon de l'industrie à Nantes dont le sujet était "Comment attirer les jeunes talents (dans l'industrie)".
C'était passionnant de voir des dirigeants d'entreprises, des chargés de recrutement ou de formations tenir des discours engagés et passionnés sur l'importance de s'ouvrir et de construire les entreprises de demain. Des individus motivés dont les résultats sont probants qui vivent pleinement, non sans difficultés, ce phénomène d'inclusion.
Seul "hic" : pas de jeune à la tribune !
Ce n'est peut-être synonyme d'aucune mauvaise volonté, il est même possible qu'aucun jeune talent ne fut disponible, mais à quoi ressemble le message qui leur est adressé : l'institution "entrepreneuriat" ne leur fait on pas confiance, elle pense "à la place de" ?
Pour l'agiliste que je suis : ne pas avoir de client lors d'une démonstration du produit pose un problème de fond : quel usage (si usage il y a) en fera-t-il ?
Donc l'entreprise a toute la bonne volonté possible pour construire le monde de demain sauf que ... ce mouvement semble exclure les principaux intéressés.
On ne parle donc pas aux jeunes talents, mais aux talents actuellement en poste. Ce n'est pas un problème en soi, il est juste nécessaire de savoir à qui on s'adresse.
Question 2 : Comment rendre pertinente la réflexion et les solutions alors qu'elles s'adressent à d'autres que ceux qui les ont fait naitre ?
Les talents de plus de 40 ans
Quand on parle de talents, il vient souvent à l'esprit ces jeunes qui amènent leurs flux d'innovations voire de disruptions.
En tant que coach professionnel, je fais le constat que la majeure partie des problématiques de mes clients tournent autour de leur (in-)capacité à se (re)trouver dans un monde qu'ils souhaiteraient à mi chemin de celui des millenials et de celui des acteurs de l'économie actuelle.
Ils souhaitent adhérer à des valeurs qui ne sont plus uniquement le reflet de la quête de satisfaction personnelle du dirigeant et de sa garde rapprochée (actionnaires compris).
Ils veulent des actes congruents et pas seulement l’énoncé d'une liste de termes à la mode énoncée telle les grains d'un chapelet, appelant par ses vœux pieux : "encore plus d'argent".
Pour autant, ils ne sont pas prêts à tourner le dos à ce bonheur fait de richesses, de voyages, de plaisirs personnels. Ce n'est juste plus l'unique cœur de la quête, il est moins présent et n'est plus le seul.
C'est cette ambivalence qui rend la chose complexe : comment faire pour allier individualisme et collectif sans se dénaturer ?
Quelles entreprises vont-ils construire, reprendre ou tout simplement chercher à intéresser y être recrutés ?
A l'inverse des "digital natives" qui ne souhaitent pas de contrats longs (un spécialiste du recrutement m'indiquait que la durée dans un poste, d'un jeune sorti de l'école, au delà de 2 ans tenait du record de longévité), qui veulent multiplier les expériences, les quarantenaires (dont je fais encore parti ...) sont à la recherche d'une certaine forme de sécurité (il faut assurer la sécurité la famille, être en phase avec une certaine représentation sociale etc ..) et donc vont chercher à construire dans une vision plus longue.
Ceux qui ont l'expérience professionnelle pour faire prospérer les entreprises d'aujourd'hui tout en leur faisant amorcer le virage imposé par les suivants sont donc à la recherche de modèles positionnés entre ceux de leurs parents et ceux de leurs enfants.
Question 3 : Le changement en cours est-il une réponse intermédiaire indispensable ?
L'authenticité pour durer.
La communion des expérimentés et des jeunes talents ne peut se faire que sur la construction d'un système de valeur commun imaginé collectivement.
La nouvelle génération va imposer son modèle, elle a les outils à sa disposition (si elle ne les a pas...elle les construit) elle va mener la course en tête : charge aux dirigeants actuellement en place de lui courir après.
La solution première est donc d'anticiper un minimum et d'amorcer le changement.
Mais il ne suffit pas de décrire telle ou telle mission collection de "mots valises" sans sens global et surtout sans cohérence.
Les entreprises d'aujourd'hui (quand elles n'ont pas encore passé le cap de l'entreprise globalement libérée, ce qui n'est pas une fin en soi) sont menées par un leader (historique parfois, opérationnel souvent, culturel aussi ...tout à la fois dans nombreuses PME) qui aura comme premier changement à faire : le sien.
C'est une véritable difficulté que de laisser derrière soi toute les bonnes raisons pour lesquelles l'entreprise a été créée.
C'est une question de suivie, les clients et les marchés de demain seront ceux voulus par nos jeunes d'aujourd'hui.
L'entreprise qui restera sera donc celle dont le leader éclairé qui aura la capacité de chercher à répondre aux attentes de ceux qui construiront l'avenir, de façon "agile" (c'est à dire qu'il feront du changement une force) et qui vont progressivement mener les changements en les incarnant d'ors et déjà.
Il laissera émerger les solutions depuis les rangs de ceux qui produisent en réduisant la distance qui les séparent des clients, et saura donc repenser sa structure de décision.
Il sera authentique, aura confiance et laissera l'intelligence collective trouver les solutions.
Cela nécessite un changement profond qui ne se fera que sous certaines conditions :
- Que le changement soit considéré comme une nécessité, comme une solution
- Que le futur soit co-construit par les collaborateur et supporté pleinement par les leaders
- Que la période de flottement ou d'incertitude soit anticipée et accompagnée
- Que les risques et obstacles soient identifiés...
Question 4 ... ce changement est-il avant tout la quête du dirigeant pour se remettre complètement en question et réviser ses modèles et ses représentations ?
Définir la mission et les valeurs ... et se donner les moyens de les mettre en oeuvre !
Les modèles d'entreprenariat ne se limitent pas à la structure pyramidale, hiérarchique centrée sur la création de valeur monétaire.
Elle peuvent être mutuelles, libérées, communautaires, partagées, Scop, L3C etc ...dans laquelle la valeur n'est pas exclusivement financière et peut aussi être un bien commun, un sens pour la société.
La différence notable avec les entreprises d'hier est que les modèles sont aussi diverses que la capacité de création peut l'être.
L'émergence de solutions est une réponse à la complexité du monde actuel, la co-construction et l'intelligence collective semble être la clé.
Question 5 : Ne reste-t-il plus à nos leaders d'aujourd'hui qu'à lâcher prise sur les croyances qui faisaient la culture d'hier pour laisser se créer les entreprises de demain ?
Bien qu'elle soit la toile de fond tendue derrière cet article je n'ai pas décrit dans les détails les codes et mécaniques de la spirale dynamique : je vous laisse relire cet article https://www.spirale-agile.com/blog/introduction-a-la-spirale-dynamique et faire vos conclusions.