La deuxième boucle d'ECLET
La première boucle décrite par Clare Graves puis par ses successeurs Don E. Beck et Christopher C. Cowan est celle de la subsistance, de la recherche des réponses magiques aux problématiques de l'environnement.
(ECLET pour Emergent Cyclical Levels of Existence Theory : la théorie de l’émergence cyclique des niveaux d’existence : renommée Spirale Dynamique)
La deuxième boucle, et par son premier code le Jaune un code de "l'être", passe de la construction de réactions à des peurs à l'intégration des solutions mises en place dans la première boucle.
Il s'agit de l'intégration.
Jaune et Turquoise (qui est le deuxième code de cette boucle) intègrent donc des théories telle que la complexité, la théorie des systèmes (et donc toutes celles dont elles découlent : cybernétique, information etc ...)
Vert et sa crainte du rejet de la communauté fait place à Jaune et son usage intégré des anciens codes.
Utiliser l'agilité comme un outil adaptatif selon le besoin de réponse à l'environnement de l'entreprise et de ses projets.
Jaune agit et se met en mouvement et propose des solutions, là ou Vert a réfléchi, a ouvert des portes.
Cet article est la dernière étape de mon voyage
L'agilité, holon "tout/partie"
Il s'agit d'une étape : car il s'agit d'une "quête sans fin" (conclusion de Clare Graves sur sa théorie). C'est un arrêt momentanée, pour poursuivre une route. Je ne sais pas si j'y suis arrivé personnellement mais je pense vivre un virage. Cette nouvelle perception récemment consciente est celle de l'acceptation de l'agilité comme un holon : un "tout/partie"
[...] "holon" pour désigner une entité qui est simultanément un tout en soi et une partie d'un autre tout
Ken Wilber, Une brève histoire de tout
Un "tout" car il est auto-porté et donc auto-justifié. L'agilité en tant que "tout" s'entend dans ses applications qui peuplent les demandes d'accompagnement : mise en place de méthodes, optimisation de performance des équipes, déploiement de principes collaboratifs. C'est aussi ce que le voyage en spirale agile que je vous ai proposé à chercher à démontrer.
L'usage, conscient ou non, d'une réponse appropriée à une "peur".
L'agilité est une matière vivante. Preuve en est : il ne se passe pas un agile tour quelque part, un meetup ailleurs sans que des coachs français inspirants (que je considère comme des références, je me limite à ceux que je connais, désolé pour ceux que j'oublie) viennent poser leur réflexion, proposer un autre regard, nourrir une agilité déjà bien riche.
Je pense aux apports de Laurent Sarrazin (sa capacité à "switcher" et tous les pas de cotés qu'il propose) Laurent Morisseau (Kanban, et son regard plus récent sur les organisations agiles), Alexandre Boutin (et son inépuisable capacité à imaginer des usages pour les "games" qu'ils soient " innovation" ou plus globalement "serious", son approche par la pensée positive), Christophe Keromen (sa vision systémique), Pablo Pernot pour ses multiples centres d'intérêt et son sens aigu du partage.
Ces fabuleux acteurs agiles, en plus d'avoir ouvert des voies de réflexions, ont tenté des nouvelles approches, les ont confrontés à divers environnements, les ont adaptés avant de les mettre à dispositions de tous.
(Bien sur, les capacités de ces brillants coachs-experts ne se limitent pas aux parenthèses !!)
Aujourd'hui nous récupérons leurs enseignements des fruits bien murs sans forcement penser aux branches de l'arbre... Cet article est aussi une façon de les remercier (encore)
Bref tous ces acteurs prouvent que ce microcosme agile est belle et bien : une partie. Chacun d'entre eux apportent une partie des réponses à des problématiques communes à toutes les entreprises en quête de changement.
Et "partie" aussi car il ne s'agit que d'un élément nécessaire à un système "plus grand" : celui des "nouvelles" formes d'organisation comme les prises de conscience de l'impact sociétale ou écologique des entreprises, de l'économie sociale et solidaire, entreprises dites libérées pour ne citer qu'elles.
Les valeurs de l'agilité se retrouvent dans les comportements issus de ces prises de consciences : elles utilisent l'agilité, qui devient une partie de ces autres "tout".
L'agilité tout/partie est donc un holon qui inclut et transcende ses propres codes.
L'agilité ne peut être l'expression exclusive d'un code...
Ce voyage a eu comme expression des focus successifs sur les codes de la première boucle.
Le fait même de les regarder ces codes les uns séparés des autres est peut-être une aberration à la lueur de cette illustration en cours : la recherche d'exclusivité d'un code est incompatible avec cette notion d'intégration.
La spirale est une grille de lecture, pas un modèle.
Je lis cependant régulièrement sur les fils de discussions de mon réseau social professionnel préférés des formes d'exclusions : celles de formes d'agilité jugées incompatibles avec l'Agilité (celle avec un grand A !), celles de l'expression de la fierté de nouveaux certifiés, celle du vrai et du faux agile etc ...
Ces exclusions me semblent être synonymes de cloisonnement :
Le retour du normatif n'est pas agile ? Peut être, mais tout dépend de sa propre vision du monde.
La mise en place de "frameworks" complexes et couteux, tout comme afficher sa dernière certif' et attendre la reconnaissance des relations de son réseau social n'est pas agile dans le regard d'un agiliste vert (en)fermé dans son code.
Oui mais voilà pour le DSI d'une entreprise Bleu/orange, le contrôle n'est pas encore complètement absent de ses comportements même s'il est affiche ou même une transformation qu'il considère être agile. Ce n'est pas qu'il ne veut pas faire différemment, c'est que son mode de fonctionnement lui convient (lui même arrêté dans son code)
Oui mais voilà, le nouveau Scrum Master orange/vert a besoin du regard de sa communauté pour "exister" et en même temps de prouver sa compétence.
... sans juger
Ce DSI ou ce scrum master ne sont pas agiles ? Je comprends juste que leur regard sur l'agilité n'est potentiellement pas le même que l'agiliste vert peut-être persuadé d'être détenteur de la définition de l'agilité. La vision des oppositions entre le vrai et le faux, le bien et le mal ne sont plus du périmètre jaune
Toujours est-il que vert fermé, bleu fermé et orange fermé ont des difficultés à se comprendre. (Voir les https://www.spirale-agile.com/blog/l-agilite-vue-de-la-spirale-dynamique pour ce qui est des états).
Finalement, est-ce vraiment important ? Sommes nous plus "riches après ce type de débats"? Avons nous appris quelque chose d'autres que "nous n'avons pas tous le même point de vue" ?
Jaune est dans une posture d'acceptation de l'autre comme il est en cherchant la compréhension son cadre. Il accepte et comprends ses sentiments, accueille ceux des autres non pas en sympathie ("je ressens ce que ressent l'autre, comme si j'étais à sa place) mais en empathie ("j'accueille et regarde dans la même direction") sans juger les expressions de l'autre.
Finalement, j'ai l'impression que par ce coté : le coach, quand il "est coach" passe en jaune.
Les outils systémiques
L'usage intensif de l'intelligence collectives prouvent aussi que l'agilité se nourrit de principes systémiques : solutions focus, chapeaux de bono, pour ne citer que les deux plus connus (aie ..un biais ! 2 parmi mes préférés :) ).
Les pratiques agiles s'appuient sur des règles extrêmement simples voire simplistes pour favoriser l'émergence, sans chercher à contrôler ce qui va se passer :
"Les personnes qui sont là sont les bonnes personnes. Quoiqu'il arrive c'est la seule chose qui peut arriver"
C'est ce que nous proposent les principes de l'open space technologie.
La "prime directive" de la rétrospective pousse les participants à accepter toutes les formes de réflexion...Sans juger
"Indépendamment de ce que nous découvrons, nous comprenons et nous croyons sincèrement que chacun a fait du mieux qu'il pouvait, compte tenu de ce qu'il savait à l'époque, de ses compétences et de ses prérogatives, des ressources disponibles et de la situation du moment."
Nous autres facilitateurs de rétrospectives devrions la partager régulièrement, et pas seulement lors de la première rétro d'une équipe.
Ce que je considère être le plus belle exemple de compréhension systémique du management de l'émergence et qui est régulièrement présent dans l'esprit et les pratiques des coachs agiles est l'explication qu'en fait Dave Snowden dans son " Leader’s Framework for Decision Making" (lien vers un article de l'Harvard Business Review)
Et pour le vivre comme une révélation, le mieux est encore de jouer avec des Légos (je trouve que ce jeu est la plus simple façon de vivre l'agilité "dans ses tripes", de comprendre son sens par l’expérimentation ...en 30 minutes)
Encore une analyse complète par Pablo Pernot ici : https://pablopernot.fr/2013/04/cynefin-et-son-lego-game/
Inclure et transcender
Yann Canot, auteur du voyage au coeur de la spirale dynamique insiste sur l'importance d'une spirale intégrée.
J'ai régulièrement en tête sa voix qui résonne lorsqu'il m'expliquait à quel point il était possible de vivre en harmonie professionnelle en démarrant par accepter, pour soi, l'intégration des différents codes afin d'être en mesure de se positionner à l'extérieur de la spirale de l'entreprise : la position méta du coach.
Intégrer pour soi pour une meilleure position pour les autres.
Agile ou pas finalement, j'accompagne les individus dans leur boucles de transitions. L'agilité est un outil parmi d'autres.
Je suis ravi de l'avoir dans ma caisse à outils, j'espère l'intégrer du mieux.
Agilité opale
Frédéric Laloux, dans son best seller "Reinventing organization" parle des entreprises du niveau Opale.
On reconnait clairement dans ce niveau les caractéristiques de Jaune.
Auto-organisation des équipes à tous les niveaux, principes de délégation et de subsidiarité, intégration des forces des codes précédents, conscience et acceptation de la complexité du contexte de l'entreprise,mise en place de l'environnement favorisant l'émergence.
La suite ?
C'est une étape. Ma petite capacité d'analyse et de réflexion ne m'autorise pas à aller plus loin pour le moment.
Jaune et Opale se rejoignent naturellement là ou Spirale dynamique et Théorie intégrale ont un lien de filiation : Ken Wilber intègre la spirale parmi d'autres lectures comme AQAL ("all quadrants, all levels, all lines, all states, all types").
Le prochain niveau de la spirale dynamique est le niveau turquoise, le second niveau de l'être, qui comme pour la première boucle passe à un niveau d'être collectif.
Je ne suis pas en mesure de détailler, car j'avoue ne pas être sûr de le comprendre au moment où j'écris ce texte et encore moins d'imaginer ou de projeter l'agilité dans cette vision du monde.
A bientôt sur les traces de la spirale agile ... ou plus simplement dynamique intégrant l'agilité comme un des outils pour accompagner les transformations.
N'oubliez pas : l'agilité n'est pas une fin en soi